Je n’ai pas de CV … j’ai une histoire. Parcours d’un colibri.
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu la préoccupation de contribuer à un « monde meilleur ». L’éducation et l’exemple de mes parents y sont évidemment pour beaucoup. Ma nature sensible et empathique a sans doute renforcé cette culture altruiste. Une grande lucidité ( dont je me serais bien passée…) m’a également rendue très vite réceptive aux injustices de ce monde, et à ses incohérences. Il était donc naturel que je veuille le changer, ce vilain monde.
A 17 ans, j’entre en fac de droit fermement décidée à devenir avocate et à défendre les opprimés. A 20 ans, je la quitte, après avoir compris que mon idée très chevaleresque du métier était quelque peu naïve et décalée…
S'ensuivent des mois d’errance et de réflexion.
J’opte finalement pour le métier d’assistante sociale, pour aller « sur le terrain ». Le terrain, je me le prendrai en pleine figure. La misère du monde décrite par Bourdieu, je la côtoie alors chaque jour, au boulot, et elle me suit jusqu’à la maison, ne quitte plus mon esprit. L’exercice du métier met pour moi en évidence, une fois encore, les absurdités d’un système, la perte des valeurs fédératrices et des repères qui font une société, la misère humaine, l’absence de sens…..
Tout cela devient insupportable : j’absorbe comme une éponge la détresse des personnes que j'accompagne , tout en rongeant mon frein contre les responsables : l’Administration, l’Etat, les décideurs… Ils sont des coupables tout désignés, et me permettent d’exprimer ma colère. Après tout, il fallait bien que je puisse être en colère contre quelqu’un, face à tant de douleur. Donc, je râle, je m’insurge, je m’épuise……. Et survient le burn-out ; je me suis consumée de l’intérieur, et mon corps dit stop.
Je subis la maladie, mais ne reste pas sans réagir et tente de me reconstruire en mutant vers un poste moins « exposé ». Je deviens maman à la même période, ce qui ne tempère pas mes angoisses existentielles… Je me maintiens tant bien que mal sur ce poste, mais là encore, d’autres incohérences me sautent aux yeux, générant de nouvelles colères, et le sentiment de tourner en rond. Serai-je donc en colère toute ma vie ? Comment pourrais-je accepter un monde aussi dénué de sens…..
Pour me protéger, alors que je suis de nature très curieuse, je décide de boycotter les médias de masse, qui, à cette époque, commencent à « nous dire » qu’en plus des guerres, des injustices et de la folie humaine, il va nous falloir affronter la catastrophe écologique. C’en est trop. Je n’en peux plus. Je n’en peux plus mais que je le veuille ou non, je suis concernée….. Alors je passe beaucoup de temps sur le net, découvrant de lien en lien, l’ampleur des dégâts sur la planète.
Etrangement, alors que je me sentais impuissante sur le domaine social, j’ai le sentiment de pouvoir agir au niveau écologique, et ma prise de conscience de la question environnementale me donne en réalité un nouveau souffle.
Je retrouve cette énergie qui me ferait soulever des montagnes. Alors je dévore les documentaires, les conférences, les livres, les témoignages ; je suis en admiration totale devant les spécialistes engagés, les militants et toutes ces personnes qui ont enfin un discours qui « me parle », et qui me donnent un sentiment d’appartenance.
C’est là que tout commence…
Alors que j’ai vécu en ne percevant que ce qui distingue et divise les individus, je perçois désormais ce qui les unit. Moi qui étais centrée sur les individualités ( mon métier accentuant ce trait ), j’envisage les choses sous un jour nouveau, inattendu, mais offrant tellement de perspectives.
Les hommes sont confrontés à eux-mêmes et à leur égarement. S’ils ne se ressaisissent pas, ils disparaîtront. Cette vérité s’imposant à moi, je décide d’agir et deviens une parfaite écolo. Je partage à tout va cette prise de conscience, emportée par ma ferveur, convaincue d’emmener mes semblables dans mon sillage….. Mais tout comme l’avocate n’allait pas défendre les opprimés et réparer les injustices, la passionaria écolo ne convaincrait pas ses voisins, ses collègues, sa famille…
Ressurgissent alors la colère et l’incompréhension. Je suis encore confrontée à ce que je ne peux accepter : que les « autres » ne voient ni ne comprennent l’évidence. Malgré tout, je ne me laisse pas abattre. Les « autres » ne font rien ? Qu’importe ! J’agirai sans eux, parce que cela s’impose à moi, parce que je ne peux pas vivre dans l’incohérence. Forte de ma conviction, je me demande chaque jour comment je peux agir, à mon niveau. Gandhi m’a démontré que c’est en changeant soi-même que l’on peut changer le monde. Qu’à cela ne tienne. Je deviendrai exemplaire, ou ferai en tout cas du mieux que je peux.
Je m’engage assez joyeusement sur le chemin du changement, vivant les recherches d’alternatives comme un jeu, comme une découverte. Là où certains vivent l’écologie comme une contrainte, je trouve une fabuleuse source d’apprentissages. De fil en aiguille, l’écologie m’amène à la spiritualité, au développement personnel, à la psychologie, et tout devient de plus en plus clair. Je finis même par comprendre l’absurdité de ce monde, comment il en est arrivé là. J’apprends aussi l’acceptation dont je me découvre capable, contre toute attente. La colère se mue en une énergie qui ne me quitte quasiment plus, attirant à elle d’autres énergies, de belles rencontres. De troublantes synchronicités se produisent, de plus en plus souvent.
Aujourd’hui, je me revendique Colibri. Même si je rêve de vivre selon un mode rural, ce n’est pas le cas pour le moment puisque j’habite en ville. J’essaie cependant de tirer les avantages de cette situation et de m’approcher chaque jour un peu plus de la sobriété heureuse.
- Je me suis séparée d’une voiture pour me déplacer en bus, à pieds, ou en train. A pieds, je me réénergise. Dans les transports en commun, je fais connaissance avec mes voisins, et je redécouvre la valeur d’un sourire, d’un bonjour, d’un regard bienveillant.
- Je me suis inscrite dans une AMAP et j’achète par ailleurs quasi exclusivement des produits artisanaux locaux, dans le but à terme, de me passer complètement des circuits industriels. Cela offre également un autre rapport au temps et un autre mode de relation aux producteurs : je connais la personne grâce à laquelle je peux me nourrir ( ! ) et elle peut me parler de son travail, de sa vie… On est bien loin des rayons impersonnels et stressants des supermarchés
- Je suis sur le point d’obtenir un jardin ouvrier non loin de chez moi, ce qui me permettra de cultiver mon propre potager et de mettre les mains dans la terre, au milieu du béton…
- Je me suis inscrite à un SEL afin d’expérimenter les pratiques solidaires et de faire de belles rencontres,
- J’essaie de consommer le moins possible, en repérant les achats superflus, ce qui m’oblige à me questionner quant à mes besoins véritables,
- Lorsque je consomme, chaque fois que possible, je me tourne vers des produits éthiques
- J’explique à mon entourage que pour me faire plaisir, mieux vaut passer un moment avec moi plutôt que de m’acheter quelque chose. De même, je refuse le dictat des fêtes en tout genre visant à nous faire consommer sous prétexte de faire plaisir. Il y tant d’autres façons de témoigner de son affection ou de son attention envers un proche…
- A la suite d’une rencontre à l’AMAP, je deviens secrétaire de l’association « l’effet papillon » qui vise à créer une école alternative à Amiens pour septembre 2013, comme un embryon de nouvelle société
- Je découvre l’alliance écologiste indépendante qui me fait porter un regard nouveau sur la politique, et je n’écarte pas l’idée de m’y investir si cela peut contribuer à promouvoir un nouveau projet de société,
- Je crée le groupe Créatifs culturels de Picardie sur le réseau des créatifs culturels, le but étant de mettre en relation les personnes qui se retrouvent dans les valeurs dites alternatives, et de créer une dynamique locale
- Je ne suis plus assistante sociale, mais chef de projet dans le domaine des ressources humaines, avec l’envie d’apporter mon analyse et mes propositions
- J’ai réduit mon temps de travail afin de consacrer davantage de temps libre aux activités créatives qui me ressourcent
- Je pratique le Hatha-Yoga régulièrement qui me permet de me centrer, m’apporte l’équilibre, m’apprend à repousser mes limites et m’ouvre de nouveaux horizons
- Je m’offre des stages de développement personnel et teste différentes thérapies alternatives dans le but de pacifier ma relation à moi, et aux autres
- J’ai le but de changer complètement de situation professionnelle, pour me tourner vers une vie au rythme de la Terre et des Hommes… Plusieurs projets existent, plus ou moins définis, se nourrissant de mes rencontres, des expériences et des apprentissages.
Et chaque jour, j’avance un peu plus…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire